Lancée en 2012, la collection des Trois Ors est un hommage à la fascination, commune à tous les peuples et les temps, que l’or a exercée. Pensée comme trois trilogies, chacune liée par une matière première servant de fil d’Ariane, notre collection des Trois Ors s’est récemment réduite à sa trinité expressive la plus quintessentielle – voici
Veni,
Rosam et
Fidelis.
Veni, j'ai vu. Comme une antienne encapsulant, seule, le sens complet du psaume qu’elle introduit, Veni suggère la vision, la venue et la victoire. Premier d’une trilogie liée par la Cardamome, Veni s’ouvre par une salutation fraîche, franche et conquérante. Des essences vertes et montantes telles que le Galbanum et la Lavande camphrée se réchauffent au contact de la Cannelle, tout aussi vibrante et évoquant l’opulence quasi décadente des banquets de Rome triomphante.
Passée la fraîcheur, le souffle s’assagit et s’assure – il se réchauffe. La chaleur de la Cannelle cède à un accord d’Oeillet brûlant, eugénolé, plus généreux, plus racé, plus invincible encore. Tel qu’un coup de lance, tel qu’une chevauchée lancée au flanc des lignes ennemies, il annonce un cœur d’écarlate renforcé par le cuir majestueux du Safran et les notes fumées et légèrement lactées du Bois de Gaïac. Souplesse, tension : Veni voit, il évalue, la bataille est lancée, rangée : les dés sont
jetés.
Et la victoire paraît. C’est un triomphe de gourmandise, une explosion de Caramel, de Vanille et de Benjoin ancrés dans un fond chypré de Mousse. L’Ambregris animal côtoie des Muscs célestes et oraculaires. Le conquérant rentre à Rome, les vivats l’acclament, Veni évite l’écueil de la fleur et choisit plutôt l’éclat des aigles pompeuses, l’éclat des trompettes retentissantes. Avec Force et Honneur, Veni tresse la fraîcheur d’une fougère dans une cuirasse de chypre moderne.
C’est l’or jaune – brillant, immanquable, fulgurant, indépassable.
Rosam se veut plus sage. Réflectif, il est une hymne à la Lune qui contrecarre les plans du Soleil. L’or blanc, l’or froid, prend les atours d’une Rose nocturne, fleur solitaire poussant dans le cloître vert et désert d’une église de campagne. Pétales froissées et secs, métalliques, ils se cachent sous un voile épais de Ciste-Labdanum, cet ambre noir et épais, chtonien par essence, distillant une chaleur résineuse mais rude, sans ambages ni pardon.
C’est une dichotomie entre d’un côté la lumière du reflet de l’or et de l’autre sa froideur au toucher ; entre l’absolue de Rose, poudrée-douce et sereine, délicate et praline et l’Encens vertical et minéral, crissant d’aldéhydes citronnés et savonneux à peine réchauffé par des pistils de Safran, ici sans chaleur, ici secs, cassants, avec leur parfum d’herbe longtemps séchée.
Respiration de la pierre humide. Verdeur des brins d’herbe qui se recouvrent de rosée au lever du jour. Rosam est toujours, quelque part, traversé de lumière. Quand l’Oud surgit en fond avec son implacable noirceur, le Santal l’équilibre, cotonneux et lacté. Et quand enfin le Patchouli s’alanguit sur la peau, feuille terreuse imperceptiblement cacaotée, l’Ambre la recouvre, avec son feu, sa coumarine et ses baumes réconfortants.
C’est l’or blanc – mercuriel, spirituel, l’insaisissable or-de-nuit.
Fidelis prend encore une autre route. Celle du faste invétéré, incontrôlé. Celle d’une romance débridée. Celle d’amours fidèles et indénouables. La Cardamome signe son retour et le Safran aussi – l’or rose est pour partie un or jaune – mais ils se teintent d’une sensualité et d’une rondeur nouvelles. Le Café du Guatemala, légèrement torréfié, injecte ses arômes tenaces de bois craquant, de noix brûlées et de pyrazines tandis que le Cumin, terriblement charnel, oscille entre odeur de sueur et odeur d’anis, entre gourmandise et luxure.
C’est alors que la flamme des premières heures, sans vaciller, faiblit. Loin de consumer, elle éclaire le cœur de ceux qui en brûlent. L’Absolue de Rose Turque est ici en surdose, car c’est bien elle la fleur de l’amour. Elle déploie ainsi toutes ses facettes qui d’ordinaire sont tues, faute de
place pour les laisser s’exprimer. Facette miellée d’un baiser, facette citronnée d’un regard, facette poudrée d’un poignet, facette épicée d’une chevelure que l’on hume, toutes elles s’expriment, elles s’évaser sans s’évader, retenues par une Framboise omniprésente, musquée, boisée, qui en illumine et adoucit les traits.
Et c’est alors la passion qui reprend son dû. Évoquant le musc autant que la civette, l’Animalis suggère surtout la peau chaude et l’ébat. Posé sur un fond de Vanille qui ne semble jamais s’éteindre et d’Oud qui semble ne jamais vouloir se faire oublier, l’Animalis infuse cette composition d’une charnalité volumineuse, preuse et pieuse avec ses restes d’aldéhydes.
C’est l’or rose – l’amour qui dure de toujours à toujours, oscillant sans cesse de tendresse en passion.
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