Le parfum des vacances
Les vacances ont une odeur, c’est un fait.
Il suffit, pour vous en persuader, de fermer les yeux et d’imaginer une plage proche ou lointaine, burinée par le soleil et battue par les embruns, la corniche d’une cité balnéaire encombrée par les badauds en paréos ou simplement un déjeuner de soleil sous les pinèdes. Aussi intimes ces souvenirs soient-ils, ils ont pourtant une odeur commune, universelle ; une symphonie de parfums que tous, aussi différents que nous sommes, pouvons aisément identifier. Il y a d’abord l’embrun, plus ou moins iodé. Il y a ensuite l’odeur du sable chauffé, celle aussi, parfois, des beignets et pralines qu’un vendeur écoule en sinuant entre les parasols déployés. Il y a parfois l’odeur du rosé, que l’on boit en piscines ou, pour les plus sudistes des français, celle incomparable du pastis. Selon que l’on préférera la façade atlantique ou méditerranéenne, l’on captera aussi les fugaces effluves de la flore littorale : le pin, le ciste et le laurier pour le méditerranéen, l’ajonc, le rhododendron et le genêt pour qui préfère le nord. Et enfin, mieux que toute autre associée à la coupure estivale, il y a l’odeur de la crème solaire.
En ce mois d’Août, plongeons dans les parfums de l’été.
Etape 1 - l'Apéro.
Le Petit Jaune bien aimé des français a un parfum reconnaissable entre tous que les zéphyrs portent généralement loin. Cette odeur caractéristique est principalement due à l’anéthol, une molécule que l’on retrouve dans l’aneth – d’où son nom – mais aussi dans tous les composés anisés – le fenouil, l’anis étoilé et l’anis. Découverte en 1841 par Auguste Cahours, l’anéthol est responsable tant de l’odeur du pastis et de toutes les anisettes méditerranéennes que de leur aspect laiteux. Ce louchissement est le résultat du caractère hydrophobe de l’anéthol qui, une fois dilué dans de l’eau, s’émulsifie jusqu’à se disperser entièrement. En parfumerie, on l’exploite pour ses facettes anisée et gourmande – l’anéthol est treize fois plus sucré que le saccharose. Utilisé avec parcimonie, il entre volontiers dans la composition d’accords solaires ainsi qu’on peut le sentir dans 1826.
La piscine de rosé tient aussi une place particulière dans le cœur des estivants. Sans rentrer dans une analyse exhaustive des composés volatils présents dans un verre de vin, tant ceux-ci sont nombreux, nous nous concentrerons sur une molécule donnant au rosé son arôme si particulier, le poétiquement nommé 3-mercaptohexanol. Cet ingrédient excessivement puissant – puisqu’il fait partie de la famille des thiols – se retrouve dans une grande variété de vins de toutes couleurs. Dans les rouges, il a été identifié dans le Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc ou le Merlot ; dans les blancs, il est présent dans le Sauvignon ou le Petit Arvine mais il est le principal responsable de l’odeur et de la saveur des Grenache rosés. Que sent-il ? Comme les membres de sa famille, ce mercaptan à une odeur alliacée et soufrée à l’état pur néanmoins, on le retrouve dans de nombreux fruits : le fruit de la passion, la goyave, le pamplemousse et bien sûr, dans le jus de raisin. À haute dilution et associé à d’autres molécules telles que des butyrates, aussi présents dans le vin, le 3-mercaptohexanol est donc utile dans la reconstitution d’accords vineux à l’image du champagne pétillant de 1889.
Etape 2 - La Sieste.
L’apéro étant un sport requérant une certaine endurance, il convient de se reposer après. C’est à ce moment que les parfums alentours se substituent à ceux des verres glacés. Les équipes d’Histoires de Parfums ayant une affinité particulière pour la riviera, nous nous attacherons à ses odeurs : les pinèdes et le maquis, le figuier qui mûrit et la mer qui rafraîchit.
S’agissant du maquis, il est lui-même une collection d’odeurs. La plus fameuse, celle du Pin Parasol, est due à certaines molécules dites terpéniques. Si l’on pense naturellement aux pinènes – leur nom trahit leur origine – le Pin Parasol est quant à lui riche en guaiol, une molécule montante et rosée que l’on retrouve dans le cyprès ainsi que dans le cannabis. À celle-ci s’ajoutent d’autres notes fraîches : le limonène et le linalool hespéridés que contraste le beta-caryophyllene plus épicé et boisé et contribuant notamment au parfum du clou de girofle. Non seul roi du maquis, le Pin Parasol partage souvent son fief avec les cistes dont la résine – le labdanum – forme l’un des piliers de l’accord ambré en parfumerie. Son odeur particulière, à la fois aromatique, herbacée, montante et miellée est due à un cocktail précieux d’alpha-zingibérène, frais et camphré, d’alpha-curcumène, à la fois chaud et herbacé que l’on retrouve aussi dans l’immortelle, de viridiflorol légèrement vert et fruité, de cubénol épicé et de traces d’aldéhyde cuminique, lui conférant son aura fauve et animale. Pinèdes et maquis – deux souvenirs d’estives que l’on peut re-sentir à l’envi dans nos 1828 et 7753.
Ce que l’on sent du figuier en est souvent la feuille. Caractéristique, d’une verdeur crissante, croissante quoique enveloppante, celle-ci est due à la psalène que l’on retrouve aussi dans la livèche, la rue ou le céleri. Seul souci au tableau, c’est une furocoumarine. Extrêmement irritante et phototoxique, la psalène empêche toute extraction de la feuille de figuier pour l’utiliser en parfumerie. On lui préfère ainsi des molécules de synthèse telles que la stémone associées à des notes coumarinées – octahydrocoumarine – amandées – benzaldéhyde – ou lactoniques – gamma octalactone – afin de recréer adroitement le parfum de l’odeur et de son fruit mûri.
Quant à la mer enfin… elle ne sent rien, l’eau et le sel n’ayant aucune odeur. Ce que l’on sent en revanche, c’est la vie marine portée par les embruns : les algues laminaires se décomposant en 1-penten-3-ol à l’odeur verte, grasse et feuillue ; les varechs et vers marins exsudant leurs dictyopyrènes, à l’odeur moussue typique du littoral mais surtout le sulfure de diméthyle produit par la décomposition du plancton au parfum soufré et désagréable. Ce sont toutes ces odeurs qui, s’accrochant au sel pulvérisé par la mer, trouvent leur chemin jusqu’à nos narines. La parfumerie s’en inspire d’ailleurs lorsqu’il s’agit de reconstituer des odeurs marines : en plus des extraits d’algues et du sulfure de diméthyle, la Calone est souvent utilisée dans ces reconstitutions, son odeur typiquement « iodée » formant la base des accords ozoniques tels que celui présent dans Ceci n’est pas un Flacon Bleu 1/.5
Etape 3 - La Bronzette.
Certains bronzent le matin, d’autres après la sieste lorsque la chaleur est enfin tombée. S’ouvre alors un concours olfactif, chacun y allant de son huile bronzante ou de sa crème solaire, toutes plus parfumées les unes que les autres mais conservant ce quelque chose d’intransigeant et de reconnaissable instantanément : l’odeur universelle des vacances. On la fait reposer sur deux molécules, selon que l’on se badigeonne à l’européenne ou à l’américaine.
Les européens seront plus familiers du salicylate de benzyle. Cette molécule est en effet responsable de l’odeur de l’Ambre Solaire. L’histoire veut que lors de ses sorties en yacht, Eugène Schueller, le créateur de L’Oréal, se soit trouvé marri de ses nombreux coups de soleil. Il devisa alors une crème capable de filtrer les rayonnements UV en utilisant le seul ingrédient reconnu pour de telles vertus : le fameux salicylate. Le succès ne se fit pas attendre et l’Ambre Solaire était né pour conquérir bientôt toutes les crèmes solaires et la palette des parfumeurs. Les américains quant à eux connaissent plutôt l’odeur du Hawaiian Tropic bâti autour de lactones rappelant l’odeur de la noix de coco.
Ces deux parfums forment les bases de nos parfums solaires : sur la délicatesse légèrement florale du salicylate de benzyle évoquant volontiers le frangipanier se superposent à l’envi des notes fruitées de noix de coco et d’ananas façon pina colada ou d’autres plus capiteuses d’ylang-ylang et de tiaré dont l’utilisation en France, ancrée dans le passé colonial de l’ancien empire français, ne manque pas de susciter un semblant d’évasion tel qu’on peut l’imaginer dans notre 1804.
Besoin d'une super dose d'été?
Tentez 1804 pour une ambiance sulfureuse avec ses facettes de Gardénia, d’Ananas et de Tiaré. Si vous êtes plutôt bord de mer, optez plutôt pour 1828 et son ouverture fraîche mêlant odeur des pins et des embruns. Et si votre truc, c’est plutôt la bronzette, pourquoi ne pas prendre une rasade de 1969 dont le fruité festif, entre pêche et coco, vous transportera sur les plages hawaiiennes.
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